Les distorsions cognitives
Les distorsions cognitives sont des façons de penser qui déforment la réalité. Comme si on mettait des lunettes qui ne sont pas adaptées à notre vue. Elles sont directement reliées à nos émotions et jouent un rôle important dans l’intensité de celles-ci.
Selon l’approche cognitive-comportementale, ce n’est pas l’événement qui crée notre émotion, mais la perception que l’on a de cet événement. Ce principe est logique, compte tenu que personne ne réagit de la même façon face à une même situation. Prenez un deuil par exemple, chacun des membres de la famille aura sa propre façon d’y réagir et d’y faire face.
Aaron Temkin Beck, un psychiatre américain qui soignait des patients atteints de dépression, a répertorié en 1976 six distorsions cognitives qu’il observait chez ses patients. Il constate alors rapidement chez ces derniers une propension particulière à l’entretien de pensées négatives récurrentes à propos d’eux-mêmes, des autres, du monde ou à l’égard de leur avenir. Par la suite, en 1980, le psychologue David Burns identifie quatre autres distorsions. Ces constats deviendront la base de la thérapie cognitive.
En prenant conscience de ces façons de pensées nocives, il est possible de les rendre plus rationnelles et ainsi vivre les émotions qu’elles génèrent de façon plus réaliste. En voici quelques exemples :
La pensée du « tout ou rien » est sans nuance. Il n’y a pas de place pour le gris. C’est blanc ou noir, bon ou mauvais, toujours ou jamais. Pas de compromis. Soit je réussis parfaitement, soit je suis complètement nulle.
Des toujours et des jamais, il y en a très peu dans la vie. Ça peut être presque toujours ou parfois mauvais, mais rarement un extrême ou l’autre.
Il arrive aussi que l’on tire des conclusions hâtives (habituellement négatives) à partir de peu de preuves. Par exemple, lire dans les pensées d’autrui : « Plusieurs personnes se sont retournées lorsque j’entrais dans l’autobus, il est donc certain que quelque chose cloche chez moi ».
Penser à la place des autres est impossible et l’inverse également. Ne serait-ce pas seulement un réflexe que de regarder quelqu’un qui entre?
Et que dire des scénarios? Par exemple, si mon conjoint est en retard, il a certainement eu un accident! Je vois alors mon copain dans un lit d’hôpital, entouré du personnel soignant et intubé par tous ses orifices. Digne d’une série télévisée! Je pourrais gagner un oscar pour ça! Bravo pour mon scénario… Mais vous serez d’accord avec moi, que 99 % du temps, la situation ne se termine pas comme on l’avait imaginée. En revanche, mon anxiété, elle, a eu le premier rôle.
Que ce soit en généralisant, en dramatisant, en ne s’attardant que sur des détails négatifs ou en pensant à tort être responsable d’événements qui sont pourtant hors de notre contrôle, tout être humain, sans exception, a tendance à faire des distorsions en lien avec ses croyances ou ses schémas appris depuis l’enfance. La restructuration cognitive consiste, entre autres, à identifier les distorsions cognitives et à les confronter à la réalité.
À de mêmes situations, chacun procède par une interprétation propre selon la réalité de vie construite au travers de son parcours de vie. Néanmoins, chacun « possède la clé pour comprendre et résoudre la perturbation psychologique située dans le champ de sa propre conscience. » (Beck, 2000, p.8)
Pour Beck, repérer les distorsions cognitives n’est pas tout : il y a des processus plus profonds, plus difficiles à repérer, qui conditionnent nos pensées. Il appelle cela les « schémas cognitifs » : des « postulats silencieux », tacites, ancrés profondément en nous. Nous aborderons ces croyances dans un prochain article.